"Derrière chaque création, il y a une inspiration"
Les fans de Zelda connaissent bien ce dicton...En effet, Nintendo ne cesse - pour notre plus grand bonheur - d'incorporer du réel au fictif, du fond à la forme. Aujourd'hui, je vous propose d'aborder un plan crucial et pourtant très peu discuté dans Zelda : l'architecture. En effet, cet art est des plus importants ; il représente à lui-seul toute une société, une civilisation. En parlant de cela, les différentes inspirations seront proposées en catégories de peuples pour éviter la confusion!
Les Sheikahs
Le clan du 3e œil a une culture très étoffée dans tous les jeux où il est présenté. Dans Breath of the Wild, ce dernier a élu domicile dans un petit village niché au cœur de hauteurs verdoyantes : le village de Cocorico. Rien qu'à l'ambiance du lieu portée par sa musique et le style de ses résidents, le joueur devine très vite qu'il est empreint d'une inspiration japonaise.
Cela se confirme au niveau de l'architecture des bâtiments, compacts et confortables.
Avec leur formes "en carapace" et leur toits de chaume, ils ne sont pas sans rappeler d'importants édifices nippons comme le Daigengu, un panthéon shintoïste*.
Lorsque l'on se tourne vers la maitresse de ces lieux, Impa, on remarque une ressemblance particulière avec le sanctuaire de Tamaki-jinja.
*Le shintoïsme est l'ensemble de croyances principales du Japon avec le bouddhisme avec lequel elle se mêle en harmonie. Elle reconnait plusieurs déités et adhère en l'existence d'esprits incarnés ou résidant dans une infinité de choses comme les animaux, les lieux, les objets ou bien encore les forces de la nature tels que le vent.
Le sanctuaire de Tamaki-jinja est lui-aussi un haut lieu du shintoïsme.
Jusqu'ici, vous pourriez vous dire que les inspirations des sheikahs sont purement shintos. Or, je ne vous mens pas lorsque je vous confie que le shintoïsme est intimement liée à une autre religion très présente au Japon : le bouddhisme.
Il n'y a que 2 pas à faire depuis la résidence d'Impa pour s'en rendre compte! En effet; Cocorico abrite également un cimetière. Les défunts sont représentés par des sortes de stèles méticuleusement arrangées. Cette disposition partage son apparence avec l'Adashino Nenbutsu-ji, un temple de Kyoto placé sous le modèle de Bouddha.
Les statues qu'il abrite représentent justement l'esprit des morts : la boucle est bouclée.
Pour finir avec les Sheikahs, intéressons-nous à leurs ancêtres. Les Anciens Sheikahs ont voué leur vie à Hylia, s'octroyant aux épreuves du temps depuis leur piédestal. D'ailleurs, leur environnement tire son apparence d'une ère révolue depuis bien des temps : l'ère Jomon. Ce constat est surtout visible grâce aux ornements des sanctuaires ainsi que des créations archéoniques tels que les gardiens.
Concernant l'intérieur des sanctuaires, ils mêlent l'art jomon au bouddhisme dans une symbolique de dévotion éternelle à Hylia par delà les âges.
Pour résumer simplement, l'inspiration des Sheikahs s'inscrit dans la lignée du shintoïsme mais aussi du bouddhisme. En bref, ils incarnent comme une sorte de mélange entre ce qu'a fait et ce qui fait le Soleil Levant.
Les Gerudos
Les vaillantes fleurs du désert ne sont elles-aussi pas à plaindre au niveau de leur cultures architecturales. Introduites dans Ocarina of Time, cette dernière ont même débuté leur histoire dans une belle référence au réel. Partons en direction de la Forteresse Gerudo ; vu comme ça, elle ne vous dira certainement rien mais sachez qu'un beau modèle se cache derrière ces murs de grès! En effet, l'édifice partage une certaine ressemblance avec la falaise de Bandiagara.
Pour être plus exact, le repère des Gerudos s'apparente au village y étant creusé. Il avait été bâti par les tellems, un peuple malien ayant aujourd'hui disparu.
Toujours dans l'opus de l'ocarina, prenons désormais la direction d'un monument que vénéreraient les femmes du désert : le Colosse des Sables. Représentant la mystérieuse "Déesse des sables", il abrite en fait le Temple de l'Esprit (et optionnellement une petite surprise entre ses murs). Dans son architecture, il parait clair qu'il est inspiré du grand temple d'Abou Simbel en Égypte.
En plus du titre donné aux figures y étant gravées (des "colosses") et de ce qu'ils sont ( des "temples"), on remarque que les deux monuments sont tous deux gravés dans la roche. En égyptologie, nous employons le terme d"hémispéos" pour caractériser ce type de construction.
Cette relation entre les Gerudos et les égyptiens est accrue dans Four Swords Adventure. Dans ce Zelda, le siège de leur plus important artéfact (le Trident) n'est autre qu'une pyramide. C'est là un clin-d'œil évident aux différentes pyramides égyptiennes dont la plus emblématique est celle de Khéops.
Dans Breath of the Wild, nous retrouvons les Gerudos au cœur de leur désert. Malgré cet environnement hostile, elles ont réussi à embrasser la prospérité depuis leur fief, la Cité Gerudo. Celle-ci est d'une élégance primaire et n'est pas sans rappeler le village troglodytique de Matmata, en Tunisie.
Nous avons des exemples d'endroits comme cela partout à travers le monde mais l'aspect sableux et le milieu des Gerudos nous dirigent vers une inspiration plus africaine.
Pour rappel, un village troglodytique est un village creusé dans la pierre tandis que les troglodytes sont ses habitants. Par conséquent et lorsque l'on analyse les différentes structures gerudos à travers les jeux, nous pouvons affirmer que le peuple de Nabooru et d'Urbosa est historiquement troglodyte.
Gauche; L'un des 3 bouddhas de Bamiyan, aujourd'hui détruit.
Droite : statue de la caserne royale Gerudo. Elle semble être comme une allégorie à elle-seule de la puissance des héroïnes, les chevaleresses élevées en déesses priées par les femmes du désert au détriment d'Hylia.
Par ailleurs, les Gerudos tendent à admettre des références au bouddhisme dans leur architecture. En effet, dans Breath of the Wild, le style de leur sculpture est toute autre que celle du colosse du désert dans Ocarina of Time.
Sept héroïnes, image Les Ailes Immortelles. Ce sont de gigantesques statues équidistantes de chevaleresses. Elles forment comme un conseil confinant un sanctuaire sheikah centré.
Leurs contours s'inspirent probablement de nombreuses statues de bouddha dans le monde (comme celles de Bamiyan, Sichuan, etc). Le symbolisme de cette appartenance est supposé très fort étant donné qu'elle proposerait la métaphore même de l'histoire des Gerudos. Cette dernière serait similaire à l'existence d'une fleur emblématique du bouddhisme : le lotus.
Le lotus ancre ses racines dans le milieu hostile de la vase mais parvient pourtant à engendrer des pétales d'une rayonnante splendeur. En ce sens, cette fleur peut être comparée aux Gerudos qui réussirent à établir une société d'essor dans un milieu aussi sauvage que le Désert et ce malgré leurs origines de pilleuses. Cette comparaison est corroborée par les textes gravés dans le palais Gerudo qui les décrit littéralement comme étant des "fleurs brillantes au Soleil".
Dernière remarque : cette métaphore sied aussi à l'un de leurs codes les plus importants : la chasse aux voï. L'obsession sociétale des Gerudos de vouloir à tout prix trouver un mari pourrait s'apparenter au désir, à l'essence d'une fleur d'être butinée avant de faner. Les guerrières du désert n'ayant pas réussi cette mission tombent en désuétude et sont vues par leurs homologues comme de tristes exemples de "Gerudos ratées."
Makeela Riju surmontant les gravures poétiques du trône.
Les Gorons
Revenons à nos moutons! Les Gerudos partagent leur caractère troglodytique avec un autre peuple d'Hyrule : les Gorons. De tout temps, les enfants de la Montagne de la Mort ont toujours pris place dans une architecture primitive, symbolique, primaire, archaïque.
Dans Ocarina of Time, une grande fresque représentant un dodongo persécutant des gorons orne leur village. Cette simplicité de l'art rupestre s'inspire certainement de peintures préhistoriques par exemple retrouvables dans la célèbre grotte de Lascaux en France.
Dans Breath of the Wild, ils conservent ce goût pour la pratique du primitif mais concèdent tout de même quelques points à l'esthétique. En effet, les Gorons y portent une attention particulière envers ce qui forge leur société, comme les pioches de mineurs dès lors parfois représentées en statues.
En outre, une gigantesque sculpture de gorons célèbres veille sur le village. De tous temps, la mode de graver dans la roche la vertu de héros s'est répandue dans le monde et ses peuples. L'exemple aujourd'hui le plus connu n'est autre que le mémorial du Mont Rushmore aux États-Unis.
Les procédés et les cultures de ces deux images sont totalement différentes et pourtant le rôle du monument est le même : commémorer des êtres très importants pour la nation, des personnages qu'il ne faut pas oublier.
Les Hyliens
L'ethnie de la Couronne se démarque bien des autres dans l'architecture. Elle adopte en effet un goût plus prononcé pour l'art européen. Pour donner un exemple concret, le Temple du Temps ainsi que le sanctuaire d'A Link to the Past/Between Worlds arborent très clairement les traits d'une église.
Au centre : église Saint-Servais de Schaerbeek (Belgique).
Le Château d'Hyrule est lui-aussi empreint une architecture occidentale. Il puise son apparence de l'archétype du château dans les contes de fées prenant place dans un contexte médiéval. Pour n'en citer qu'un, nous pourrions le comparer à celui de Fort Fort Lointain dans Shrek (oui, je viens vraiment d'établir un lien entre Zelda et Shrek).
L'artbook officiel de Breath of the Wild nous indique par ailleurs qu'il a été construit pour être très difficile à assiéger, et ce grâce à ces longs couloirs et son sentier externe.
Enfin, les maisons de la citadelle d'Hyrule adoptent un style bien de chez nous! Elles sont effectivement à colombage et à encorbellement, deux techniques en vogue vers le Moyen-Age et dans les villes d'Europe. Laissez-moi vous expliquer...
Photo de droite par Thomas Rabbin. C'est un exemple parfait car les maisons sont à colombage ET à encorbellement.
Pour vulgariser, le colombage est l'ensemble de poutres (ici brunes) qui forment la charpente d'un mur. Parallèlement, on dit que les étages d'une maison sont "à encorbellement" lorsqu'il y a un gain d'espace sur la rue à chacun d'entre eux.
Les Zoras
Dans Ocarina of Time, les zoras sont un peu comparables aux gorons : ils mènent une vie recluse dans une grotte.
Cela pourrait s'arrêter là mais dans Breath of the Wild, ils en sont devenus les exacts inverses! En effet, on les retrouve dans une très grande élégance, une délicatesse extraordinairement raffinée et un goût grandiose pour l'esthétique.
De plus, on constate une profusion de symboles aquatiques qui sied à merveille à la famille royale. L'inspiration est ici moins flagrante, mais toutes ses caractéristiques rappellent l'essence d'un certain courant artistique : l'Art Nouveau.
Ce mouvement se démarque de par son abondance de lignes courbes et de l'élégance surnaturelle qui en résulte. Ces mêmes courbes sont souvent mariées à des éléments stylisés tels que des fleurs mais elles sont aussi parfaitement en raccord avec l'aspect aquatique des décorations zoras.
Par ailleurs, ce gout pour une architecture d'une superbe grandeur et d'une forme très oblongue pourrait rapprocher les zoras de l'Art Gothique. La ressemblance est la plus instinctive avec les murailles du domaine ainsi que les différents barrages le cernant.
C'est tout!
J'espère sincèrement que cet article vous a plu. Ce fut certainement l'écrit le plus travaillé du site, j'espère que ça se sent! Si vous avez aimé n'hésitez pas à laisser un like ou un commentaire ; cela peut paraitre futile mais ça m'aide à percevoir un avis global. Pour aller plus loin, je vous conseille le site architectureofzelda.com qui porte bien son nom ainsi que la chaîne de Rinkuto pour découvrir l'architecture d'un autre peuple d'Hyrule ; les Soneaux.
Cet article sera peut-être également disponible sur Instagram (et oui, je tente des trucs!) dans un format plus concis mais donc évidemment moins précis.
À la revoyure! - Halberdroe
Votre architecture préférée...
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